Interviews revues et corrigées en 2006
Beaucoup de phrases mal traduites et de contre-sens ont été améliorés et retraduits pour vous fournir à présent une meilleure traduction, parfaitement fidèle aux idées de J.K. Rowling.

Traductions françaises des deux interviews que
J.K. Rowling a accordées pour la sortie du tome 5 !

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J.K. Rowling : l'interview
Un programme spécial pour BBC2, produit par l’équipe Newsnight

Traduction : Romulus Cornedrue.

Il y a des livres, et il y a Harry Potter. Ils constituent le plus grand phénomène de l’histoire de l’édition moderne. 200 millions d’exemplaires, qui parlent d’un garçon qui se découvre être un sorcier de renommée mondiale.

Ils sont en vente dans plus de 200 pays, et traduits dans plus de 50 langues. Au-delà des livres, il y a une industrie : films, poupées, jeux et marchandises qui rapportent des centaines de millions de livres sterling chaque année. Tout cela part d’une idée qui a trotté dans la tête de J.K. Rowling, presque sans-le-sou à l’époque, alors qu’elle était assise dans un train. Elle a imaginé son histoire en une série de sept livres, couvrant chacun une année à l’école pour les sorcières et sorciers de Poudlard. Le cinquième livre, Harry Potter et l’Ordre du Phénix, sera mis en vente dans vingt-huit heures et demie. On s’attend assurément à ce qu’il fasse l’objet du plus gros tirage de l’histoire. L’auteur de ce phénomène vit à Édimbourg. 

Jeremy Paxman : Donc, le voici (en parlant du livre) ?

J.K. Rowling : Le voici.

JP : Sommes-nous autorisés à regarder à l’intérieur ?

J.K. Rowling : Hmmmm. Oui, un peu. Vous pouvez y jeter un coup d’œil... oui, voilà, pas plus.

JP : Combien de pages ?

J.K. Rowling : 766... Tout cela grâce à une panne d’inspiration... ce qui, je pense que vous en conviendrez, relève pour le moins de la prouesse.

JP : Mais ne trouvez-vous pas toute cette histoire de secrets, le besoin de garder tout cela secret, un peu ridicule ?

J.K. Rowling : Non.

JP : Pourquoi ça ?

J.K. Rowling : Non, pas du tout. Et bien, j’en suis à l’origine, en grande partie.

JP : C’est vrai ?

J.K. Rowling : Oui, absolument. Enfin, bien sûr on pourrait faire preuve de cynisme, et je suis sûre que vous seriez porté à le faire et à dire que c’était un stratagème commercial, mais je ne veux pas que les enfants sachent ce qui va se passer. Parce que cela fait partie de l’enthousiasme suscité par l’histoire, et puis, vous savez, j’ai sué sang et eau pour brouiller toutes les pistes et semer tous mes indices.... pour moi ce n’est pas une... c’est ma... c’est ma... j’allais dire que c’est ma vie, ce n’est pas ma vie, mais c’est une partie très importante de ma vie.

JP : Cela a un prix, ce succès et cette célébrité ?

JKR : C’est intéressant d’évoquer la célébrité parce que je n’ai jamais voulu être célèbre, et je n’ai jamais songé que je deviendrais célèbre. Vous savez, ce fantasme que j’avais d’être un écrivain de renom… et là encore il y a un léger décalage avec la réalité, c’est souvent comme ça avec moi... Je m’imaginais qu’être un écrivain connu, ce serait être comme Jane Austen. Pouvoir rester assise chez soi dans son presbytère et mes livres seraient très célèbres et de temps en temps je correspondrais avec la secrétaire du Prince de Galles. Vous savez, je ne pensais pas qu’on fouillerait dans mes poubelles, je ne m’attendais pas à être photographiée par de longs objectifs. Je n’ai jamais pensé que cela aurait un impact négatif sur la vie de ma fille, ce qui est parfois le cas. J’aurais l’air fruste si je disais qu’il n’y a rien de bon dans le fait d’être célèbre ; d’avoir un parfait inconnu qui s’avance vers vous alors que vous parcourez les rayons d’Intermarché et qui vous dit un certain nombre de gentillesses concernant votre ouvrage... Bien sûr, vous marchez d’un pas un peu plus léger. C’est une chose très très agréable qui puisse vous arriver. Je souhaiterais simplement qu’on s’abstienne de m’approcher lorsque je suis en train d’acheter... vous savez...

JP : Du papier toilette ?

J.K. Rowling : Des articles d’une nature douteuse, exactement. C'est toujours, toujours, à cet endroit-là ! Jamais quand vous êtes dans le rayon des fruits et légumes frais. Jamais.

JP : Pensez-vous que le succès vous a changée ?

J.K. Rowling : Oui.

JP : En quoi ?

J.K. Rowling : Je n’ai plus tout à fait la sensation d’être une bonne à rien.

JP : Vous n’aviez pas réellement l’impression d’être une bonne à rien ?

J.K. Rowling : Je me sentais totalement nulle. J’étais minable. Oui, vraiment, oui. Et maintenant je me dis que… Il se trouve qu’il y avait une chose pour laquelle j’étais douée. Et j’avais toujours cru pouvoir raconter une histoire, et à mon avis c’est plutôt triste que j’aie eu besoin de me faire éditer pour confirmer ce sentiment.

JP : Et qu’en est-il de l’argent ? Beaucoup de gens, lorsqu’ils se mettent brutalement à gagner de l’argent, s’en sentent coupables. Éprouvez-vous de la culpabilité ?

J.K. Rowling : Oui, je me sens vraiment coupable. Il est clair que je me sens coupable.

JP : Pourquoi ?

J.K. Rowling : Lorsque tout a commencé, je ne suis pas tout de suite devenue très riche. Le plus grand bond pour moi a été l’acompte de mon éditeur américain qui m’a suffi à acheter une maison, pas au comptant, mais bon avant ça on ne faisait que louer. Et à ce moment-là, je ne me sentais pas coupable, j’avais peur. Parce que je pensais qu’il y avait une chose que je ne devais pas rater : je me disais « j’ai de l’argent, je ne dois pas le dépenser bêtement ». Et par la suite, oui, oui, je me suis sentie coupable. Oui, c’est vrai. Enfin, au moins je voyais les causes et les conséquences. Je savais que j’avais travaillé très dur depuis assez longtemps. C’est clair que les récompenses étaient complètement disproportionnées mais je voyais comment j’en étais arrivée là donc ça rendait les choses plus faciles à expliquer.

JP : Parlons un peu du prochain volume. Harry, Ron et Hermione seront tous plus âgés. Comment vont-ils évoluer ?

J.K. Rowling : Ils vont pas mal changer parce que je trouve ça assez sinistre, la façon dont… Si on se souvient des romans du Club des Cinq, par exemple, je crois bien que sur 21 aventures, ou 20, ou dans ces eaux-là, [les personnages] n’ont jamais eu de pulsion hormonale (si ce n’est qu’on disait parfois à Anne, chaque fois qu’elle rangeait les affaires de pique-nique, qu’elle ferait une bonne petite épouse.)

JP : Mais n’est-ce pas là le modèle habituel des livres pour enfants ? C’est pareil dans Swallows and Amazons [d’Arthur Ransome, N.d.T.], non ? Les enfants ne vieillissent jamais. Mais votre...

J.K. Rowling : Et ce modèle atteint son apothéose dans Peter Pan, bien évidemment, où il est très explicite, et je trouve ça très sinistre. J’ai reçu une lettre très franche d’une femme qui m’avait entendue dire que Harry allait avoir sa première petite amie ou quelque chose comme ça, et elle me disait : « S’il vous plaît, n’écrivez pas ça, c’est horrible. Je veux que ces livres soient un monde où mes enfants puissent s’évader ». Elle me disait carrément : « un monde où il n’y a ni mal ni peur », alors là je me dis : « Est-ce que vous avez lu les livres ? Qu’est-ce que vous racontez, “ni mal ni peur” ? Harry subit un véritable enfer chaque fois qu’il retourne au collège. » Donc je pense qu’un peu de bécotage allégerait les choses.

JP : Alors quelques couples vont se former dans ce livre, n’est-ce pas ?

J.K. Rowling : Oui, avec le temps.

JP : Des couples peu probables ? Pas Hermione et Drago Malefoy ou quoi que ce soit de ce genre ?

J.K. Rowling : Je ne souhaite pas vraiment en parler car ça va gâcher l’intérêt des sites de fans. Ils s’amusent tellement à élaborer leurs théories... et c’est amusant, c’est vraiment amusant. Certains arrivent même assez près de la vérité. Personne n’a jamais… Je suis allée jeter un œil à quelques unes et personne n’a jamais trouvé... Il y a une chose qui, si quelqu’un la devinait, m’embêterait véritablement, car elle est plus ou moins au cœur de toute l’histoire. Et elle explique plus ou moins tout, et personne ne l’a complètement découverte, mais deux ou trois l’ont frôlée de très près. Alors écoutez, je serais plutôt froissée après treize ou quatorze ans passés à écrire mes livres, si quelqu’un débarquait et disait « je pense que cette chose va se passer dans le septième tome. » Parce que c’est trop tard, je ne pourrais plus faire diversion à présent, tout est déjà échafaudé, et j’ai semé tous mes indices.

JP : Harry va-t-il devenir un adolescent râleur ?

J.K. Rowling : Il est beaucoup, beaucoup plus en colère dans ce livre-ci. Il est vraiment furieux la plupart du temps, et à juste titre je pense : regardez ce qu’il a traversé. Il est temps qu’il commence à se mettre en rogne contre le mauvais jeu que la vie lui a distribué.

JP : Bien. Quand vous voyez tous ces gadgets marketing, ces produits dérivés, quand vous voyez des choses comme l’Atelier de création de jus de citrouille glacé Harry Potter et tout ce bric-à-brac...

J.K. Rowling : Cette chose existe vraiment ou vous venez de l’inventer ?

JP : Je suis sérieux. Il existe une liste d’une cinquantaine de choses comme celle-là. Les polos brodés Harry Potter, la serviette de toilette de la promenade nocturne en voiture volante, le réveil Harry Potter et Ron Weasley. Non franchement, ça n'en finit pas !

J.K. Rowling : J’étais au courant pour le réveil. Ce que cela me fait ? Honnêtement, je pense qu’il est assez bien connu que si j’avais pu arrêter la création de tous ces produits commerciaux, je l’aurais fait. Et deux fois par an, je fais table ronde avec Warner Bros et nous discutons de la mise en vente des produits dérivés, et je me contenterai de dire que vous auriez dû voir certains des objets dont la vente a été annulée : les alarmes de la cuvette des toilettes de Mimi Geignarde, et pire encore.

JP : Je trouve que ça avait plutôt l’air drôle.

J.K. Rowling : Je savais que vous alliez dire ça. Ce n’est pas drôle. C’était horrible, c’était une chose horrible.

JP : Mais vous auriez pu dire « Non, pas question, aucun produit dérivé ! ».

J.K. Rowling : Je ne pense pas que je le pouvais à l’époque. Pas à l’époque. Je retiens si mal les dates ! Ce devait être vers 1998-1999, je commençais à parler à la Warner, et à ce moment-là je n’avais tout simplement pas le pouvoir de les arrêter. C’est le propre du monde du cinéma. Parce que ce sont des films qui coûtent très cher à réaliser, et s’ils continuent à les réaliser, ce qui n’est évidemment pas garanti, mais s’ils continuent bel et bien à les faire, ils vont se révéler encore plus coûteux, et en fait je frissonne à l’idée de voir ce qu’ils diront lorsqu’ils verront le tome cinq. Parce que je pense qu’ils commencent à avoir l’impression que j’écris des choses juste pour voir s’ils peuvent les mettre en images. Ce qui n’est bien sûr pas le cas. Mais je sais que les détails du monde que j’écris sont un vrai casse-tête.

JP : Mais vous ne vous inquiétez jamais du fait que votre héritage, ce ne sera peut-être pas tout ce monde que vous avez créé mais de nombreux morceaux de plastique ?

J.K. Rowling : Honnêtement ? En toute honnêteté... Non. Ça ne me préoccupe pas. Je pense que les livres auront toujours plus d’importance que les morceaux de plastique. Et c’est... C’est vraiment ce que je crois, et ça peut sembler arrogant, mais c’est ainsi que je ressens les choses.

JP : Savez-vous au moins, au niveau où vous êtes arrivée... Savez-vous au moins ce que vous gagnez ?

J.K. Rowling : Non...

JP : Savez-vous ce que vous avez gagné l’année dernière ?

J.K. Rowling : Non.

JP : Et bien je dirais des dizaines de millions...

J.K. R : Récemment j’ai vu mon comptable et je lui ai dit : « On dit dans le classement des grandes fortunes que je suis plus riche que la Reine, donc ça signifie que vous avez détourné pas mal d’argent ! ». Écoutez, oui, je sais dans quelle fourchette je me situe, je veux dire, je ne suis pas à ce point dans les ténèbres. Et je ne possède certainement pas 280 millions de livres.

JP : Combien, en gros ?

J.K. Rowling : Vous pensez que je vous le dirais ?

JP : Je ne sais pas. Vous ne pouvez pas m’en vouloir de vous poser la question.

J.K. Rowling : Non, je ne vous reproche pas de me le demander.

JP : Vous avez indiqué dans les précédents livres que vous en finissiez un et commenciez le suivant immédiatement après. Avez-vous commencé le sixième ?

J.K. Rowling : Oui.

JP : Où en êtes-vous rendue dans sa rédaction ?

J.K. Rowling : Pas si loin que ça parce que j’ai eu un bébé... Mais oui, je l’ai commencé quand j’étais encore enceinte de David. Et c’est vrai que j’ai écrit un peu l’autre jour, et ce n’est pas mal, étant donné qu’il n’a que dix semaines. Donc il me laisse à peine une minute de libre en ce moment. Mais, oui, j’en ai fait un peu plus l’autre jour.

JP : Allons-nous découvrir dans le tome 5 pourquoi Voldemort fait preuve de tant d’animosité envers les parents de Harry ?

J.K. Rowling : Oui.

JP : Pouvez-vous nous donner un indice quant à...

J.K. Rowling : Non. Il n’y en a plus pour longtemps à présent. Ça suffit ! Oui, je vous assure que vous apprenez ça dans le tome 5.

JP : Que souhaitez-vous nous dire d’autre sur ce qu’il y a dans le volume 5 ?

J.K. Rowling : Évidemment, un nouveau professeur de défense contre les forces du Mal.

JP : Et ce sera une femme ?

J.K. Rowling : Oui. Et ce n’est pas Fleur, sur qui tout le monde spécule sur Internet. Et ce n’est pas... C’est qui, l’autre personne à propos de laquelle ils ne cessent de se poser des questions ? Mrs Figg. Ce n’est pas Mrs Figg. J’ai lu ces deux théories.

JP : Va-t-on en découvrir davantage sur Rogue ?

J.K. Rowling : Oui.

JP : Et la mère de Harry ? Est-ce qu’il en pinçait pour la mère de Harry, ou éprouvait pour elle un amour non réciproque ou quelque chose comme ça ?

J.K. Rowling : ...D’où sont animosité pour Harry ?

JP : Oui.

J.K. Rowling : Vous spéculez ?

JP : Je spécule, oui, je demande juste si vous pouvez nous le dire.


J.K. Rowling : Non, je ne peux pas vous le dire. Mais je confirme : vous en apprenez beaucoup plus sur Rogue, et pas mal de choses supplémentaires à son sujet.

JP : Et va-t-il y avoir une mort dans ce livre ?

J.K. Rowling : Oui. Une mort horrible, horrible.

JP : La mort horrible d’un personnage important ?

J.K. Rowling : Oui. Je suis allée dans la cuisine après l’avoir fait...

JP : Quoi donc, tué cette personne ?

J.K. Rowling : Oui. En fait j’avais réécrit la mort maintes et maintes fois, et ça y était. C’était la version définitive. Et la personne était morte pour de bon. Et je suis entré en pleurs dans la cuisine quand Neil [son mari, N.d.T.] m’a dit : « mais enfin qu’est-ce qui ne va pas ? » et j’ai répondu : « ben je viens de tuer la personne ». Et il a répliqué : « alors tu n’as qu’à ne pas le faire ». Je pensais qu’étant médecin... et j’ai dit « mais ça ne marche pas comme ça. Quand on écrit des livres pour enfants, il faut être un tueur sans pitié. »

JP : Est-ce que ça va faire de la peine aux gens ?

J.K. Rowling : Oui. Ça m’a fait de la peine à moi. J’ai toujours su que cette mort allait arriver, mais j’ai réussi à vivre sans me rendre à l’évidence, et à continuer à faire évoluer le personnage sans y penser.

JP : Donc vous savez ce qu’il va advenir de tous les personnages de première importance du début à la fin de la série ?

J.K. Rowling : Oui... oui.

JP : Pourquoi arrêter quand ils sont grands ? Ça pourrait être intéressant de savoir ce qu’il adviendra de Harry adulte.

J.K. Rowling : Comment savez-vous qu’il sera toujours en vie ?

JP : Oh. À la fin du tome 7 ?

J.K. Rowling : Ce serait un moyen de faire disparaître la commercialisation des produits dérivés.

JP : Ce serait vraiment tuer la poule aux œufs d’or, vous ne trouvez pas ?

J.K. Rowling : Oui c’est vrai. Je suis censée être plus riche que la Reine alors qu’est-ce que vous voulez que ça me fasse ? Je suis plus contente maintenant que je ne l’ai jamais été dans ma vie, assurément.

JP : Mais il n'y a pas que l'écriture qui y est pour quelque chose, bien sûr...

J.K. Rowling : Non... mais c’est vraiment très lié. J’ai eu besoin de prendre des jours de congé entre les tomes 4 et 5, et j’ai vraiment l’impression d’avoir pris de nombreuses choses en main. J’ai, en quelque sorte, relevé la tête et j’ai pris une grande bouffée d’air, j’ai regardé autour de moi, et j’ai compris ce qui s’était passé, et je me suis accordé du temps pour gérer ça un peu mieux. Je pense que si vous m’aviez interviewée il y a quatre ans, j’aurais été loin d’être aussi décontractée, à mon avis.

JP : Vous êtes devenue propriété publique, d’un côté, en un certain sens.

J.K. Rowling : Oui.

JP : Et vous appartenez... en raison de ce que vous avez créé, les gens ont l’impression que vous leur appartenez.

J.K. Rowling : Oui, complètement, c’est vrai. On doit recevoir un millier de lettres par semaine au bureau (« venez inaugurer ma fête de bienfaisance », « écrivez une lettre personnalisée à ma fille », « venez à l’anniversaire de mon fils »... vous voyez le tableau). Et quelque part c’est très touchant… que l’on pense, vraiment, que l’on croie que j’ai le temps.

JP : Mais qui ne tente rien n’a rien.

J.K. Rowling : Je ne leur reproche pas de tenter, non, absolument pas. Exception faite pour cette femme qui m’a écrit pour me demander si je voulais bien lui remettre à elle et à son mari un versement annuel car ils n’étaient pas allés au théâtre depuis trois ans… et au train où vont les lettres quémandant de l’argent, ce n’était pas une très bonne perspective.

JP : Au train où vont les lettres quémandant de l’argent… vous devez en recevoir des tas... faites-vous souvent des dons d’argent ?

J.K. Rowling : Et bien... mmmmm. Je donne de l’argent, c’est tout ce que je peux dire.

J.K. Rowling : Ne montrez pas ça de trop près ! Voici le plan de Harry Potter et l'Ordre du Phénix. J'ai des tableaux comme celui-ci pour chaque tome (en fait j'en ai à peu près douze pour chaque). C'est juste un moyen de me remémorer ce qu’il faut qu’il se passe dans chaque chapitre pour nous faire progresser dans l'intrigue. Et ensuite vous avez toutes les intrigues secondaires. C'est juste un moyen de suivre la progression des événements.

JP : Et ces petits bouts de papier que vous avez élégamment rangés dans un sac de courses, ce sont des idées pour votre intrigue, ou...

J.K. Rowling : Certains ne servent plus du tout à rien à présent puisque j’ai fini d’écrire le tome 5, et je les conserve sans doute dans un élan de sentimentalité... Mais d'autres renferment la genèse de certains événements ou personnages… sur celui-ci figure l'historique des Mangemorts et je ne sais pas, à vrai dire, si j'en aurai besoin un jour… mais à un moment ils s’appelaient les Chevaliers de Walpurgis. Je ne sais pas si ça me servira. Mais le fait de le savoir me plaît. J'aime garder ce genre de trucs à portée de main.

JP : Comment préférez-vous travailler ? Enfin… beaucoup d'auteurs s’assoient à leur bureau et se disent : « Je dois pondre 600 mots, ou 1000 mots, par jour ». Travaillez-vous ainsi ? Comment vous y prenez-vous ?

J.K. Rowling : Non, en fait c'est comme peindre une clôture, non ? [N.d.T. : J'avoue ne pas bien saisir le sens de l'image utilisée par J.K. Rowling ici... Elle veut sans doute dire que cela revient à se créer ses propres obstacles... Ou qu'on s'y prend en plusieurs fois... ?]

JP : Non... Enfin, d'éminents auteurs ont écrit de cette manière.

J.K. Rowling : C'est comme ça que vous vous y prenez...

JP : Non ! J’ai dit « d'éminents auteurs »... Somerset Maugham écrivait 600 mots par jour et pouvait s’interrompre au milieu d’une phrase.

J.K. Rowling : Moi, non, je ne pourrais pas faire ça.

JP : Alors que faites-vous ? Vous vous asseyez et ne cessez d’écrire jusqu’à ce que vous soyez trop épuisée pour continuer...

J.K. Rowling : Oui, c'est assez bien vu en fait ! Mon école d’écriture, c'est celle du cheval qui avance aux coups de cravache. Le problème pour l’histoire des 600 mots... en fait, il y a des jours où l'on peut faire un travail très, très, très dur sans écrire un seul mot, en révisant simplement son texte, ou alors on ne griffonne que quelques mots.

JP : On sait que vous avez écrit la fin.

J.K. Rowling : J’ai écrit le dernier chapitre du 7è tome.

JP : Donc vous savez où vous allez. Savez vous comment vous allez y aller ?

J.K. Rowling : Oui. Oui. Enfin, je m’accorde une marge. Ce serait si ennuyeux si je savais vraiment. Je n'aurais plus qu'à mettre la ponctuation, pas vrai ? Tout n’est pas calculé aussi bien que ça. Mais c’est assez bien ficelé. Autrement ce serait inquiétant, à ce stade, non ? ...si je passais ni vu ni connu du tome 5 au suivant et me demandais : « qu'est-ce que je vais bien pouvoir écrire dans le tome 6 ? ». Vous savez, c’est une histoire compliquée alors j’ai besoin de savoir ce que je fais.

JP : Regrettez-vous parfois d'avoir commencé ?

J.K. Rowling : Oui, mais pas pour les raisons que vous pourriez attendre. Quelquefois, oui, j’ai eu des moments de grosse déprime durant lesquels je pensais « mais pourquoi est-ce que je fais ça, à la fin ? ». Mais ça a été très rare. Très rare.

JP : Pourquoi vous arrive-t-il de penser cela ?

J.K. Rowling : Ça fait maintenant un long moment que je n’ai pas pensé cela, mais c’était pendant que j’écrivais le quatrième tome. J’ai traversé une très mauvaise période. Ce qui est drôle c’est que la presse écrivait que j’avais l'angoisse de la page blanche avec l'Ordre du Phénix.

JP : C’est le prochain.

J.K. Rowling : Oui, celui qui est sur le point de sortir. Et on spéculait en disant que je trouvais la pression… non, c’était marrant parce que d’un jour à l’autre, littéralement, soit je ressentais trop la pression et je craquais, soit j’étais trop heureuse d’être mariée, et ça m'empêchait d’écrire. Et les deux à la fois, c’était un peu difficile ! Mais en fait, l’Ordre du Phénix ne m’a jamais donné aucun mal. C’était un livre plutôt aisé à écrire. Et, qui plus est, très amusant à écrire. Pour la Chambre des Secrets, c’est vrai que j’ai eu de réelles pannes d’inspiration. Courtes, je pense. La situation n’était pas très sérieuse, ça n’a été que l'affaire de cinq semaines environ. Et, à côté de certaines personnes, qu’est-ce que cinq semaines ? Pour la Coupe de Feu… lorsque je finissais d’écrire la Coupe, j’étais très mécontente, et au moment où j’ai pris conscience que j’étais en train de m’imaginer que je me casserais un bras et qu’ainsi je ne serais plus capable de… oui, je parle sérieusement. Je n’étais vraiment pas loin de penser pour de vrai : « comment est-ce que je peux me casser le bras pour pouvoir dire à mes éditeurs que je suis dans l’incapacité physique de respecter les délais ? »... et là ça m’aurait donné plus de temps. Parce que je m’étais engagée à respecter une date butoir totalement irréaliste. Et j’ai respecté la date butoir mais c’est vrai que j’y suis arrivée à temps en travaillant vingt-quatre heures sur vingt-quatre, réellement. J’étais vraiment mécontente.

JP : Donc vous n’avez pas eu de panne d'inspiration. La raison pour laquelle ce livre a mis... combien, trois ans… ça fait trois ans depuis le dernier, c’est ça ? Pourquoi est-ce que ça a pris si longtemps ?

J.K. Rowling : Eh bien ça n’a pas pris si longtemps.

JP : Ah ?…

J.K. Rowling : Ça n’a pas pris si longtemps. Pas du tout. J’ai décidé… Ce qui s’est passé, c’est que pour la Coupe de Feu j’étais vraiment dans un tel état une fois le livre terminé... je veux dire, à ce moment-là, je sentais bien que la Coupe de Feu entraînait beaucoup de choses qui arrivaient toutes en même temps, c'est-à-dire que l’attention que me portait la presse avait atteint un niveau jusque-là inconnu, et je ne pouvais plus travailler en dehors de chez moi, et il se passait un sacré tas de choses, si vous voulez. C’était, vous savez bien !, la célébrité. Est-ce que j’éprouve encore la même chose ? Non. Mais c’est parce que j’ai pris ce temps de repos. Et j'ai continué à écrire pendant ces trois années parce que je n’arrête jamais d’écrire. Mais je ne voulais plus être publiée. C’était la grosse différence. Alors quand j’ai eu fini la Coupe de Feu, j’ai dit à mes deux éditeurs (il n’y avait que deux éditeurs qui avaient acheté les droits du livre à paraître à l'époque) : « je veux vous rembourser mon acompte ». Et tous les deux — on les entendait presque avoir une crise cardiaque au bout du fil — de rétorquer : « pourquoi voulez-vous nous rembourser votre acompte ? ». Et je leur ai dit : « parce que je ne veux pas publier l’année prochaine. Je veux écrire ce livre d'une manière plus tranquille et je veux prendre un peu de repos ». Parce que j’avais eu… J’ai fini l'école des sorciers, j’ai littéralement commencé la Chambre des Secrets l'après-midi même. J’ai fini la Chambre des Secrets, j’ai commencé le prisonnier d’Azkaban le lendemain. Et j’ai fini le prisonnier d'Azkaban et j’avais déjà commencé la Coupe de Feu, parce qu’ils s'imbriquaient l'un dans l'autre… donc il n’y a eu absolument aucune trêve. Et je savais que c'était au-delà de mes forces. Je savais que j’en étais tout simplement incapable, mon cerveau allait court-circuiter si j'essayais de recommencer. Alors les éditeurs ont proposé : « et bien, que pensez-vous de nous remettre quand même le livre quand vous l'aurez fini, et on supprime la date limite ? ». Donc j'ai dit « d'accord ». C’est comme ça qu’on s’est arrangés. Il n’y avait donc pas de date limite. Alors, une bonne fois pour toutes, et pour que les choses soient claires, je n’ai pas dépassé la date butoir. Parce qu’il n’y avait pas de date butoir.

JP : Et vous n’avez pas eu de panne d'inspiration pour ce livre ?

J.K. Rowling : Non ! J’ai juste produit le quart d’un million de mots. C’est plutôt difficile à faire en ayant l’angoisse de la page blanche.

JP : C’est plus long que le Nouveau Testament, vous savez.

J.K. Rowling : Mon Dieu, arrêtez. Toutes ces nouvelles choses que j’ignorais ! C'est vrai ?

JP : Oui, plus long d'environ 70 000 mots.

J.K. Rowling : Vous savez que les fondamentalistes chrétiens vont trouver de quoi transformer cela en une nouvelle raison de me détester : « Elle est plus prolixe que Dieu ! ».

JP : Est-ce que le cinquième tome, ce truc de la taille d’une brique… il n'était pas plus long que ça à l’origine ?

J.K. Rowling : Non, en fait, non. Il est à peu près de la taille... au début je pensais qu’il serait légèrement plus court que la Coupe de Feu, et puis… c’est quoi l’expression ? L’histoire grandit en la racontant. C’est ce qui s’est passé. Ce qu’il y a, c’est que j’ai tellement de matière maintenant, tellement d’anecdotes antérieures aux événements à raconter, et là j'en ai vraiment envie. Le tome six n’aura pas besoin d’être aussi long. Il y en a beaucoup que j'ai dû changer de place, il y a beaucoup de va-et-vient dans mon esprit.

JP : Vous allez avoir beaucoup de derniers détails à régler dans le tome 7 ?

J.K. Rowling : Oh là là, j’espère que non. J'ai bien l'intention de régler le tout habilement en un beau paquet-cadeau… et voilà, bonne nuit !

JP : Donc c’est possible que le septième ne soit pas particulièrement long non plus…

J.K. Rowling : Non, je pense que ça va être long parce que je ne vais pas vouloir lâcher prise. Je vais simplement continuer à écrire. Je vais sûrement démarrer une intrigue complètement nouvelle dans le septième tome. Ça va être très difficile de tout laisser. Enfin, j’ai vraiment hâte de connaître une ère post-Harry dans ma vie, parce que certaines des choses qui vont de pair avec Harry Potter ne sont pas si joyeuses, mais en même temps, je redoute de quitter Harry… parce que je travaille sur ces romans depuis le début de ce qui, je l'espère sincèrement, se révèlera avoir été la partie la plus turbulente de ma vie, et ça a été la constante qui a gouverné ma vie, et j'y ai travaillé si dur pendant si longtemps… ensuite ce sera fini et je pense que ça laissera un gros vide.

JP : Savez vous à quoi vous allez passer ensuite ?

J.K. Rowling : À vrai dire, pendant cette période intermédiaire, durant ces trois dernières années que je viens de passer, j’ai été pendant un moment occupée à écrire quelque chose d’autre, et c'était vraiment super, c’était bien, et je reviendrai peut-être bien à ça. Je ne sais pas.

JP : Est-ce un roman pour adultes ?

J.K. Rowling : Mmmm. C’est juste quelque chose de complètement différent. C’était vraiment libérateur de le faire.

JP : Mais ça serait plutôt difficile pour vous. Il vous faudrait publier sous un pseudonyme, non ?

J.K. Rowling : Tout à fait. Mais on s’en rendrait compte en quelques secondes. Je ne sous-estime pas les pouvoirs d'investigation de la presse, mais je ne sais pas ce que je ferai. Enfin, je sais que je continuerai à écrire à coup sûr. Est-ce que je publierai ? Je ne sais pas. Bien sûr, vous l'avez dit, on écrit pour être publié, parce que l'on écrit pour partager son histoire. Mais je repense beaucoup à ce qui est arrivé à A.A. Milne... il a bien sûr essayé d’écrire des romans pour adultes, mais jamais on n'a fait référence à lui sans mentionner Tigrou, Winnie et Porcinet. Ce qui me laisse imaginer qu’il m’arrivera la même chose. Mais pas de problème. Dieu sait que mes épaules sont assez larges, je pourrais faire face à cela. Mais je voudrais un peu de temps pour avoir une vie normale à la fin de la série, et le meilleur moyen pour y parvenir ce n’est sûrement pas de publier immédiatement.

JP : C’est pas mal d’emporter ça dans la tombe… d’avoir inventé ce monde à part entière et donné envie aux enfants de lire.

J.K. Rowling : Oh là là, absolument, pas mal du tout. Il est clair que je suis immensément fière de Harry, et je ne le renierai jamais, et je promets de ne jamais, jamais m’en excuser. Jamais. Parce que j’en suis fière et je défendrai Harry contre n’importe qui.

JP : Merci J.K. Rowling

 


J.K. Rowling selon ses propres mots
Une interview de Ann Treneman, « The Times »
, 20 juin 2003

Traduction : Poisson-Clé (revue en 2006 par Romulus Cornedrue).

À minuit une, samedi 21 juin, le cinquième tome de Harry Potter arrivera dans les librairies. Dans une interview exclusive, J.K. Rowling explique à Ann Treneman comment elle s’est finalement fait à la célébrité, et à quel point son mariage et ses enfants l’ont rendue plus heureuse que jamais.

JOANNE KATHLEEN ROWLING est une femme heureuse ces temps-ci, et ça se voit. Elle me salue du haut des escaliers, chez elle, son bébé dans les bras. Il s’appelle David, il est rondelet, tout doux, et il babille. Nous allons tous dans la pièce qui donne sur la rue, et là, sur l’étagère, se trouve son autre bébé : une brique d’un kg qui est le cinquième tome de la série Harry Potter, Harry Potter et l'Ordre du Phénix.

« Il est gros. Très gros, dit-elle. Je n’ai pas osé compter les mots. »

« Gros comment ? Après tout, Harry Potter et la Coupe de Feu, le quatrième tome, faisait 636 pages (en v.o.) »

Joanne jette un coup d’œil à la dernière page. « Il fait 766 pages. Quand je l’ai terminé, je me suis dit "Oh là là, il est plus gros que la Coupe de Feu". Je le savais déjà, mais je me disais "peut-être qu’il n’est que légèrement plus gros", puis j’en ai parlé à ma directrice littéraire chez Bloomsbury, et elle m’a dit : "Vous savez quelle est sa longueur, je suppose ?" Et j’ai dit : "Non, en fait non". Et il faisait un quart de million de mots. » Le volume de sa voix diminue presque en un murmure. « J’ai failli succomber ».

« N’avez-vous pas un éditeur qui coupe des passages ? » demandé-je plutôt brusquement.

Elle rit et prend une voix théâtrale : « N’avez-vous pas un éditeur ? Personne n’essaye donc jamais de vous arrêter ?! » Elle reprend sa voix normale. « Bien sûr que oui. Mais ils ont vraiment eu le sentiment que les informations contenues dans le livre étaient nécessaires. »

C’est la troisième fois que j’interviewe J.K. Rowling. La première fois, c’était en 1997, après la sortie du premier livre, Harry Potter à l'école des sorciers. Elle était une étoile montante qui n’avait pas idée de la galaxie vers laquelle elle et Harry allaient s’élever. « Je n’ai jamais songé que cela arriverait » disait-elle à l’époque, alors que les ventes atteignaient les 30 000 exemplaires. « Mon côté réaliste m’avait permis de penser que je pourrais peut-être avoir une bonne critique. Pour moi, voilà ce que c’était d’atteindre le sommet. Alors tout le reste, ça a été vraiment comme si j’entrais au Pays des Merveilles. »

Le Pays des Merveilles, en effet. Trois ans plus tard, en mai 2000, nous nous sommes rencontrées dans une chambre d’hôtel à Édimbourg. Elle venait de terminer Harry Potter et la Coupe de Feu, et elle était vive, drôle et nerveuse, fumant cinq Marlboro Light en deux heures et parlant comme une mitraillette à plein régime. À ce moment-là, elle avait vendu 30 millions d’exemplaires, un film sortait au cinéma et des contrats pour des produits dérivés se préparaient activement. Sa fortune était estimée à 15 millions de livres sterling, mais sa vie, qui tournait autour de sa fille, de l’écriture et de ses amis, n’avait rien du lustre que l’argent peut apporter.

Revenons au présent. Rowling a maintenant vendu presque 200 millions de livres et elle vaut 280 millions de livres sterling selon les estimations. Elle est plus riche que la Reine d’Angleterre et c'est la 122ème personne (et la 9ème femme) la plus riche de Grande-Bretagne. Certains se délecteraient de ces chiffres, et les étaleraient le plus ostensiblement possible. Je ne pense pas que Rowling soit comme ça : la dernière fois que nous nous sommes vues, elle niait être célèbre, et elle disait que son seul gros achat avait été une bague en aigue-marine, qu’elle appelait sa bague « Personne ne m’opprime » (N.d.T : dans le texte: "No One Is Grinding Me Down" ring).

J’étais curieuse de la retrouver et de voir de quelle façon elle avait changé. C’est vrai que je ne l’avais jamais vue exhiber sa belle salle à manger dans les pages du magazine "Hello!", ni rien de ce genre, mais on ne sait jamais : l’argent et la gloire peuvent corrompre autant que le pouvoir. On sait peu de choses d’elle : Elle a maintenant 37 ans et elle s’est mariée avec le Dr Neil Murray, un anesthésiste, il y a dix-huit mois. Jessica, sa fille qu’elle a eue d’un premier mariage, a presque 10 ans, et David est né en mars. La famille possède des maisons à Édimbourg, dans le Perthshire et à Londres.

Sa résidence principale est à Édimbourg et c’est là que nous nous rencontrons. Pour je ne sais quelle raison, j’avais décidé qu’elle était sans doute du genre minimaliste... une séquelle de ses jours de pauvreté, du moins selon ma logique. Faux. Sa maison est animée de couleurs et de formes, et la pièce qui donne sur la rue est remplie de livres et de photos. Ce n’est pas une vitrine, mais un vrai foyer vivant. Apparemment il y a un chien quelque part dans la maison. En tout cas il y a un bébé dans la pièce qui apporte à l’interview ses gazouillements en fond sonore.

J.K. Rowling est splendide. Elle a arrêté de fumer il y a trois ans, et elle a même laissé tomber les Nicorettes, puisqu’elle allaite son bébé. C’est ce qu’elle m’explique alors qu’elle attrape un paquet de chewing-gums Wrigley’s, et elle me conseille d’acheter des actions dans la société. Cette interview, comme cela arrive souvent quand des bébés sont présents, est le résultat d’une organisation méticuleuse de son temps. Elle a passé tout son week-end à se demander comment elle allait faire pour nourrir et changer le bébé, se rendre présentable, « et boutonner mes vêtements correctement », et à l’heure exacte.

Il faut une minute pour voir qu’elle a changé. Complètement. Elle est plus décontractée, ses traits se sont arrondis. La mitraillette a laissé place à une voix plus posée et plus douce, mais son petit rire étouffé est toujours le même. Je lui dis qu’elle a l’air différent, plus calme.

« Je suis beaucoup plus calme, oui. Beaucoup. Je cois que je suis beaucoup plus heureuse maintenant, ce qui me rend sans doute plus calme. »

« Et bien, dis-je, vous ne l’étiez pas la dernière fois que nous nous somme vues ».

« Mais vous m’avez probablement vue au plus mauvais moment. La dernière fois que vous m’avez interviewée, ce n’était pas une période heureuse. Écrire le quatrième tome a été un cauchemar absolu. J’ai littéralement perdu l’intrigue à mi-chemin. Je m’étais fixé un délai complètement irréaliste. C’était de ma faute parce que je n’en avais parlé à personne. Je me suis contentée de continuer laborieusement, comme j’ai tendance à le faire dans la vie, et puis je me suis rendu compte que je m’étais vraiment mise dans de mauvais draps. J’ai dû écrire comme une acharnée pour respecter les délais et ça m’a laissée à moitié morte, complètement vannée. Vraiment vannée. Et l’idée de me lancer directement dans un autre Harry Potter me terrifiait et me terrorisait. Et c’était la première fois de ma vie que j’avais cette impression. En 2000, ça faisait dix ans que j’écrivais Harry Potter et c’était la toute première fois que je me disais "Mon Dieu, je ne veux plus continuer". »

Ce n’était pas la première fois qu’elle ressentait la pression des délais. « La première chose que j’ai faite après avoir fini le prisonnier d'Azkaban a été de négocier le remboursement de l’acompte sur le livre suivant. » J’ai l’air choqué à ces mots. « Oui, vous imaginez. Les gens étaient un peu perturbés, à mon avis. J’ai annoncé que je voulais rendre l’argent, après quoi je serais libre de finir à mon rythme plutôt qu’être obligée de le fournir pour l’année suivante. »

Et ensuite, après le quatrième volume, elle a de nouveau expliqué à son éditeur qu’elle ne pouvait pas se tenir à un délai aussi serré pour le livre suivant. « Parce que je savais que je ne pourrais pas le faire. Enfin, j'aurais probablement pu le faire. Parce que je travaille vraiment dur. J’aurais été capable de le faire, mais le livre aurait été nul, et là, je me serais complètement effondrée, et j’aurais pensé « C’est bon, c’est fini. Je n’y arrive plus ». Donc, je le leur ai dit, et ils m’ont répondu : « Que diriez-vous de garder votre acompte, et vous remettez quand même le quatrième tome, mais vous pouvez l’écrire à votre rythme ? »

Au lieu de ça, elle a pris une pause (sans Harry), mais elle a continué à écrire, parce que comme elle le dit : « J’ai besoin d’écrire. » Elle n’a pas voulu dire grand chose à propos de ce qu’elle écrivait, si ce n’est que c’était « totalement pour moi » et une histoire. Comme un roman ? « Oui » dit-elle. Il est inachevé.

La pause a duré près d’un an. « J’étais également vraiment consciente, et je n’avais pas besoin qu’on me le dise, que j’avais besoin d’arrêter et d’essayer d’accepter ce qui m’était arrivé. Je devais vraiment essayer de faire face à ce qui s’était passé, parce que je n’y parvenais pas. Je n’y parvenais pas du tout. Pendant longtemps, les gens m’ont demandé régulièrement : « Ça fait quoi d’être célèbre ? », et je répondais « Je ne suis pas célèbre ». À présent je me dis qu’il est manifeste que c’était faux. C’était la seule façon pour moi de faire face : refuser de me rendre à l’évidence à tel point que parfois j’en étais pratiquement aveugle. J’avais toujours l’impression de courir pour rattraper la situation. Aussi, je me débrouillais d’avoir des journalistes devant ma porte, mais je ne pouvais pas supporter qu’ils s’attaquent à ma vie privée. J’avais toujours un train de retard. Je ne saisissais pas ce qui s’était passé. Et je ne crois pas que beaucoup de personnes y seraient arrivées. C’était tellement énorme. »

On lui demande toujours pourquoi Harry Potter a remporté tant de succès. « Et je n'ai pas de réponse. Je ne sais pas. Ça fait un peu sainte nitouche. Ça fait hypocrite. Ce n’est pas ainsi que j’y réfléchis. Je crois que ce serait dangereux pour moi d’y penser ainsi, de me mettre à analyser le cas, de déterminer pourquoi. Cet exercice reviendrait à se regarder le nombril. Ça pourrait aussi me mener à conclure que je faisais certaines choses comme il faut et que je ferais mieux d’en laisser tomber d’autres ; et si on commence à écrire comme ça… »

Écrire alors avec la tête, et non avec le cœur, dis-je.

« Exactement. À ce moment-là je crois que vous êtes foutu. Et je le serais sûrement si j’arrêtais d’y prendre du plaisir. Et en fin de compte, le plaisir, c’est ce dont j’ai besoin. Je veux dire, quel est l’intérêt ? J’aurais pu arrêter d’écrire il y a quatre ans, et tout irait bien pour nous financièrement. Donc je n’écris pas pour l’argent. Je pourrais très bien me passer de la célébrité. Le seul intérêt, c’est ma satisfaction personnelle, et la loyauté envers les fans. »

Et envers Harry aussi, dis-je.

« Tout à fait. Quand je dis pour moi, c’est pour Harry… être fidèle à ce que je sais être sa fin ».

Comment décririez-vous vos sentiments face à la célébrité ?

« Je n’ai jamais voulu être célèbre, je ne m’y attendais pas et je n’ai certainement pas travaillé pour. Je vois la célébrité comme une épreuve que je dois traverser, vraiment. Elle possède certes de bons côtés, mais pour moi, personnellement, je pense que le négatif l’emporte sur le positif. Et là je parle d’être célèbre, pas d’avoir de l’argent, parce qu’il est évident que l’argent m’a soulagée d’énormément de soucis et a mis mes enfants à l’abri, en ce sens que je sais qu’ils auront toujours assez à manger et tout ça. Voilà ce que l’argent représente pour moi. »

Oui, dis-je, mais vous êtes bien au-delà de ça.

« Absolument. C’est allé beaucoup plus loin. »

C’est bizarre ?

« Oui, c’est très bizarre. Et vous vous sentez coupable. Un ami m’a dit l’autre jour : "Mais moi j’irais dans un magasin, et je me contenterais de dire : "Mettez-moi un article comme celui-ci, un comme celui-là, un comme celui-ci, et de chaque couleur". Pourquoi tu ne fais pas ça ?". Mais le fait est qu’une fois que vous pouvez faire cela, vous n’avez plus vraiment envie de le faire. La quantité de choses que vous avez réellement envie d’acheter diminue beaucoup dès que vous pouvez vous les permettre. Alors que quand j’étais complètement fauchée, j’aurais acheté n’importe quoi. » 

Donc vous vouliez acheter des choses à ce moment-là ?

« Oui. Parce que je ne pouvais pas. Tout simplement. C’est vrai, je pouvais m’emballer pour un nouveau torchon à vaisselle par exemple. Vous croyez que je plaisante ! » 

Qu’entendez-vous par « se sentir coupable » ?

« Eh bien, c’est juste que ce qui m’arrive m’est venu en faisant ce que j’aime le plus. Alors je crois que j’ai l’impression de ne pas avoir assez souffert pour le mériter. »

Je lui dis que ce n’est pas ainsi que ça marche.

« Je sais, je sais. On sait tous que ce n’est pas comme cela que ça marche. Le monde ne tourne pas rond. Quand David est né, une entreprise m’a envoyé gratuitement des grenouillères. J’ai trouvé ça plutôt perturbant et j’étais même en larmes à un certain moment. Je me souviens, pour Jessica, si quelqu’un m’avait offert des grenouillères à cette époque-là, ça aurait été un véritable événement. Ça m’aurait fait énormément plaisir ! C’est vraiment injuste, n’est-ce pas ? »

Rowling déclare adorer écrire, avoir besoin d’écrire, qu’elle soit heureuse ou triste, mais c’est bien plus facile si elle est heureuse. Son dernier livre a été écrit pendant la période la plus heureuse de sa vie. Elle l’avait déjà commencé avant son mariage, qui a eu lieu le lendemain de Noël 2001. Je lui dis que ça a dû être palpitant de faire une nouvelle rencontre. « C’était incroyable. J’ai toujours voulu avoir plus d’enfants, et j’en étais arrivée au point de me dire : "D’accord. J’ai eu tellement de chance. J’ai les livres. J’ai Jessie. Je ne peux pas me plaindre"... et là, ça a été tout simplement stupéfiant. »

Est-ce vrai que c’est quand on ne recherche personne qu’on fait des rencontres ?

« Oui. C’est clair. En fait, je ne m’attendais pas à rencontrer qui que ce soit. Je pensais que j’étais trop lourde à porter, et c’est un lieu commun de dire que quand on devient bel et bien célèbre… ce n’est pas que je ne rencontrais personne, c’est plutôt que je ne rencontrais personne avec qui je voulais avoir une relation, et encore moins me marier. Bien sûr que l'on rencontre des gens, mais en général, ce sont ceux qui ont très envie de vous aborder, et pas forcément ceux que vous voudriez vraiment rencontrer. »

Par chance pour eux deux, explique-t-elle, sa carrière et celle de son mari sont très différentes. « La nuit où nous nous sommes rencontrés, il m’a dit qu’il avait lu les dix premières pages de l’école des sorciers alors qu’il était de nuit à l’hôpital et il trouvait que c’était plutôt bon. Et j’ai trouvé ça formidable. Il n’avait pas lu les livres. Il n’avait pas vraiment une idée très claire de qui j’étais. Ça voulait dire que nous pouvions faire connaissance à peu près normalement. Je crois que maintenant il est on ne peut plus au parfum... le pauvre. À l’époque, il n’avait pas vraiment idée de tout ça. » 

Elle a écrit le nouveau livre en grande partie à Édimbourg, mais aussi dans le Perthshire. Elle n’écrit plus dans les cafés, parce que les gens l’observent, et ça l’embarrasse. Chez elle, elle écrit toute la matinée dans son bureau, qui est la plus petite pièce de la maison, de la taille d’une chambre individuelle, et ce jusqu’à ce qu’elle ait faim, en général vers douze heures trente. Elle fait une pause sandwich, puis elle retourne à l’ordinateur jusqu’à ce que Jessie rentre de l’école (elle n’a pas eu de nounou depuis que la famille compte deux parents). Ils promènent le chien, un Jack Russell. Elle fait du thé. Neil rentre à la maison. Si elle n’est pas trop fatiguée, elle en écrit davantage le soir. 

Un jour par semaine est consacré à des « affaires de bienfaisance ». Elle possède une fondation de charité et elle patronne plusieurs groupes, dont un pour les parents célibataires, ainsi que la Société Écossaise pour la Sclérose en Plaques (sa mère est morte de cette maladie en 1990, à l’age de 45 ans). Je lui dis que je crois qu’elle fait don de beaucoup d’argent anonymement et elle fixe le tapis du regard, les lèvres serrées.

Rowling est tombée enceinte au milieu de la rédaction de son livre, et elle voulait absolument le finir avant l’arrivée du bébé. « Je devenais de plus en plus énorme, et puis, juste avant Noël, je me suis rendu compte que j’avais fini le livre, et je n’en revenais pas. C’était incroyable. Ça m’a véritablement surprise. J’étais en train de rédiger le dernier chapitre, j’en réécrivais des morceaux, comme ça, et puis je me suis mise à écrire la fin d’un paragraphe et j’ai pensé : "C’est pas vrai, j’ai terminé le livre !" Je n’arrivais pas à croire que j’y étais parvenue. » Je fais quelques commentaires sur la longueur du livre, et elle proclame : « C’est désopilant. D’un jour à l’autre, on est passé de "elle a une panne d'inspiration" à "elle s’est laissée aller". Et je me suis dit : "c’est fou comme vingt-quatre heures peuvent faire la différence". »

« On », c’est la presse. L’idée qu’on ait écrit qu’elle aurait eu une panne d’inspiration lui a fortement déplu, presque autant que la pression engendrée par une date limite. Elle avoue être trop sensible aux critiques. « Mais c’est ce que je suis, et je ne pourrais pas faire les livres si je n’étais pas moi-même ». Elle a été sincèrement bouleversée par les accusations de plagiat lancées contre elle par l'écrivain américaine Nancy Stouffer, et elle a fait la fête quand un tribunal de New York a statué l’année dernière qu’elle était innocente. Elle protège farouchement la vie privée de Jessica, dont elle ne se sert jamais à des fins publicitaires, et qui ne l’accompagne jamais aux premières de films. Elle parle rarement d’elle, et pourtant, quand je lui demande pourquoi elle a acheté une maison à Londres, elle rit et me répond qu’elle logeait au Claridge et que « [sa] fille commençait un peu trop à s’habituer au room service ».

Il est facile d’oublier le côté sombre de la Pottermania lorsque l’on est assise dans cette pièce chaude et lumineuse. Mais il existe bel et bien. Certaines personnes sont hantées par l’idée que ses livres enseignent le mal et la magie noire aux enfants, et croient que Rowling est une sorte de sorcière. « J’ai trouvé des menaces de mort à mon encontre sur Internet », déplore-t-elle, décrivant comment elle a découvert un jour, au hasard d’une recherche, son nom sur un site d'anti-Harry Potter. « Et au milieu du forum… on conseillait aux gens de m’abattre, en gros. Ce qui n’est pas agréable à lire. C’est bizarre. » Elle soupire. « Mais qu’est-ce qu’on peut y faire ? »

« La célébrité est une expérience très étrange, et très isolante, dit-elle. Et je sais que certaines personnes en ont un besoin fou. Beaucoup de monde, en fait. Et je comprends très mal cette envie. Franchement. La célébrité vous isole et met beaucoup de tension dans vos relations. » La plupart de ses amis se sont vu proposer, par la presse qui les harcelait chez eux, de l’argent en échange de leurs histoires, et Rowling s'en sent coupable.

Ses opinions sur certains journalistes se retrouvent chez Rita Skeeter, un personnage qui a été vu pour la dernière fois dans un bocal, sous la forme d’un scarabée. « Je suis fascinée par Rita, et je la respecte, même à contrecœur » explique-t-elle. « Elle a une peau de rhinocéros que je n’ai pas mais que j’aimerais avoir. Et l'on est forcé d’admirer sa ténacité et son ingéniosité. Mais je n’aimerais pas la rencontrer. »

Il m'est difficile de faire une interview au sujet d'un livre qu’on ne m’a pas autorisée à lire. Elle compatit mais ne révèle pas grand-chose. « Ce livre diffère un peu des autres. Harry est très en colère. Très en colère. Et ce pendant la plus grande partie du livre. Mais je crois que c’est la moindre des choses vu tout ce qui lui est arrivé. Et il y a énormément d’événements dont on ne l’a pas tenu informé. Donc c’est une histoire assez dure. Et elle contient une mort atroce, aussi. Atroce parce que c’est celle d'un personnage auquel je tiens. Elle ajoute : « Cette fois, c’est quelqu’un que je considère comme un personnage principal. » Elle a pleuré quand elle a écrit la scène de sa mort, tout comme elle l'avait fait par deux fois lors de la rédaction de Harry Potter et la Coupe de Feu.

Harry est maintenant « en pleine puberté, et c’est aussi paisible pour lui que ce le fut pour moi. » C’est-à-dire ? « Comme moi. Je n’étais pas très sûre de ce que j’étais, et je ne crois pas que quiconque l’ait été ! Je trouve que c’est une période très confuse. Oui, Harry est très confus, comme les garçons peuvent l’être. Il ne comprend pas comment l’esprit des filles fonctionne. » Je lui fait remarquer qu’à quinze ans, les garçons ne disent normalement rien du tout. Elle rit, et répond qu’Hermione est plus que ravie de remplir tous ces silences de ses conseils.

« Cette fois, Harry a vraiment, pour la première fois, une pseudo relation. J’insiste beaucoup sur le "pseudo". C’était très amusant à écrire, à vrai dire. Je crois que vous allez trouver ça un peu dur. Vous auriez raison, parce que ça l’est, mais c’était tellement drôle à écrire. Pauvre Harry ! Qu’est-ce que je lui fais subir ! »

Elle s’est déjà mise à écrire le sixième tome. « Je l’ai commencé quand j’étais enceinte. La situation était différente, parce que je savais que je n’étais pas obligée de m’y mettre, si bien que j’ai eu envie de le faire immédiatement ! Vous voyez, tout le contraire de la Coupe de Feu ! »

Du coup elle se sentait beaucoup plus libre. « Je veux passer du temps avec David, parce que je ne l’ai pas conçu pour ensuite le confier à une armée de nounous. Mais j’ai vraiment envie d’écrire les sixième et septième volumes. »

Le sixième sera plus court, sans aucun doute, dis-je. Elle en convient. « Le septième, en revanche, sera sûrement énorme… C’est devenu une si grosse partie de ma vie... Je m’imagine vraiment angoissée à l’idée de laisser tout cela. Quand j’atteindrai la fin du septième, je me dirai probablement : "Je vais encore rajouter un petit bout, juste un petit bout en plus". Ce sera incroyable d’avoir terminé. »

Mais le dernier chapitre du 7 est déjà écrit, non ?

« Oui, il est caché. »

Dans un endroit secret ?

« Gardé par des trolls. »

Personne ne sait quoi que ce soit ?

« Je n’ai rien dit à personne. Réellement personne. Si un jour il vous arrive d’entendre quelqu’un prétendre savoir ce qu’il se passe à la fin, c’est un mensonge absolu. Je ne l’ai jamais dit à personne. »

Peut-être si l'on vous faisait boire…

« Je ne le dirais jamais à personne. Je sais que je ne le ferais pas. Vous ne pourriez pas me saouler suffisamment ! »

Il est temps de se quitter. David a mis ses jouets mobiles hors service, nous avons parlé pendant une heure et demie. Cette interview est très différente de la précédente, et il me semble que Joanne Rowling a mûri au cours de ces trois dernières années. Elle a affronté ses propres démons : la célébrité, l’argent et l’insécurité. Elle mène une vie équilibrée, et, à présent, en plus de tout le reste, elle a la liberté. C’est un mélange grisant, un Pays des Merveilles, sans aucun doute, mais elle marche sur des œufs. « Je suis le genre de personne qui s’attend à ce qu’une catastrophe lui tombe dessus au prochain coin de rue, parce qu’il m’en est souvent arrivé. J’essaye de garder un équilibre entre la reconnaissance que j’éprouve pour tout ce qui m’est arrivé (parce que je suis immensément reconnaissante) et la peur de devenir trop orgueilleuse, car selon moi il est possible que demain tout aille de travers. »

 

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